1881
22 mai
Naissance de Mikhaïl Larionov à Tiraspol (Bessarabie, sud de la Russie).
Son père Fëdor (Theodor) est médecin militaire. Alexandra Feodosseevna, sa mère est d’origine ukrainienne. D’après les souvenirs de l’artiste, elle aurait fait de la peinture dans sa jeunesse. Tout au long de sa vie de peintre, il restera attaché à cette partie méridionale de la Russie, à sa campagne, à sa lumière et surtout au souvenir de sa mère avec laquelle il correspond de Paris encore au début des années vingt.
1891
1898
Il s’inscrit à l’École de Peinture, sculpture et architecture de Moscou (école Stroganov). Travaille dans les ateliers de Constantin Korovine et de Valentin Sérov, portraitiste reconnu, peintre d’orientation impressionniste qui se considérait comme un disciple de Claude Monet et qui joua un rôle considérable dans l’éclosion de la peinture moderne russe.
Larionov rencontre dans cette école Natalia Gontcharova (1881-1962) qui est élève dans l’atelier de sculpture de Pavel Troubetzkoï.
1902-1906
Cette période de Mikhaïl Larionov est présentée par les rares historiens d’art qui, à l’époque, se sont intéressé à son œuvre, comme le moment de maturation du meilleur peintre impressionniste russe de l’époque (Kazimir Malewicz reste inconnu jusqu’en 1906. En 1908, Larionov sera un des premiers à s’intéresser à sa peinture et il en résultera une très grande amitié).
La production impressionniste de Larionov lui vaut des succès : ses pastels sont achetés par de grands collectionneurs moscovites tels I. I. Troïanovski, voire même Ivan Morozov (célèbre pour sa collection de peinture française, au même titre que celle de Sergueï Chtchoukine).
1903
Larionov et Gontcharova vivent ensemble et ne se quitteront plus. Ils se marieront seulement à Paris, en 1956, quelques années avant la mort de Gontcharova. Pour se présenter à leurs parents respectifs, tous deux effectuent un voyage à Tiraspol et en Crimée.
1905-1906
Sous l’influence de Larionov, Gontcharova abandonne la sculpture pour se consacrer à la peinture. À l’école Stroganov, Mikhaïl Larionov est un perturbateur, ce qui lui vaut nombre de difficultés avec le conseil de discipline de l’École (qu’il quittera en 1910). Taxé de paresseux, lors d’une exposition d’œuvres réalisées par les étudiants il apporte subitement une centaine de tableaux. Il refuse d’obtempérer à l’injonction d’en retirer la plus grande partie et se retrouve, en conséquence, suspendu de l’École. Face au refus de Larionov de ne plus se présenter à l’École, les professeurs ne trouvent pas d’autre solution que de lui acheter un billet de train pour Tiraspol où ils l’expédient. Quelques mois plus tard, il lui est permis de réintégrer l’École.
1906
Ayant fait la connaissance de Serge Diaghilev en 1903, Larionov est invité par le célèbre impresario de ballet au vernissage de la grande exposition russe que Diaghilev présente en 1906 au Salon d’Automne de Paris. C’est le premier grand panorama d’art moderne russe présenté à l’étranger. Le succès de l’exposition est tel qu’elle sera ensuite montrée à Berlin. Pour le jeune peintre, ce premier séjour à Paris est l’occasion de découvrir l’œuvre de Gauguin dont le même Salon d’Automne présente une grande rétrospective posthume. La jeune peinture fauve fait son apparition au même moment. Larionov passe plusieurs semaines à Paris puis gagne Londres où il sera profondément marqué par la peinture de Turner, autre grand pilier de sa sensibilité lyrique.
Rentré en novembre à Moscou, il y sera le grand propagateur de la peinture française jusqu’en 1915 (date de son départ pour l’Occident).
Il commence à exposer régulièrement et à organiser des expositions. Autour de Larionov se constitue un petit groupe d’artistes qui jusqu’en 1914 sera le nucleus de toutes les expositions moscovites d’avant-garde. Y participent essentiellement les frères David, Nicolaï et Vladimir Bourliouk, Nathalie Gontcharova, Alexandra Exter… Ils seront plus tard rejoints par ceux qui seront les fauves et les cézanniens russes (Ilya Machkov, Piotr Kontchalovski, Aristarkh Lentoulov).
1907
À partir de son séjour parisien, on remarque une forte influence de Gauguin sur Larionov, ce qui le conduit vers ses premières expériences fauves et plus tard expressionnistes.
1908
Le salon de la Toison d’Or présente pour la première fois à Moscou fauves et cézanniens français. Larionov joue un rôle important dans le choix des œuvres de Bonnard, Braque, Cézanne, Degas, Derain, Gauguin, Gleizes, Le Fauconnier, Marquet, Matisse, Rodin, Rouault, Toulouse-Lautrec, Van Dongen et autres. Cette même année, il participe aux premières expositions de l’avant-garde russe, « Le Maillon » (Zveno), « La Guirlande – Stephanos » (Venok Stefanos). À Moscou, l’œuvre de Larionov est considérée à partir de ce moment comme le meilleur prolongement russe de l’art de Matisse.
1909
Décembre : Larionov participe au premier « Salon » international organisé par le sculpteur Vladimir Izdebski à Odessa (présenté par la suite aussi à Kiev). Ce salon constitue la première rencontre de l’avant-garde russe avec le groupe munichois de Kandinsky.
Il regroupe plus de sept cents œuvres : la jeune peinture française est représentée par des tableaux de Braque, Vlaminck, Le Fauconnier, Marie Laurencin, Marquet, Rouault, Henri Rousseau, Van Dongen, tandis que le groupe munichois inclut Vassily Kandinsky, Alexi von Jawlensky, Gabrielle Münter. Un large éventail de tendances modernes est présenté à Odessa : principalement le fauvisme français et l’expressionnisme allemand dans sa version munichoise, le cubisme naissant de Georges Braque, le primitivisme du Douanier Rousseau. Cet éventail esthétique constituera pour les trois années à venir la référence stylistique de l’œuvre de Larionov.
1910
Le deuxième Salon de Vladimir Izdebski se tient à Odessa avec d’importantes participations : cinquante-trois Compositions, Improvisations et autres œuvres de Vassily Kandinsky constituent ce que l’on peut considérer comme la première exposition personnelle de ce peintre en Russie, vingt-quatre toiles de Gontcharova, vingt-cinq de Larionov.
Autres participations : Vladimir Tatlin (que Larionov considère alors comme l’un de ses élèves), les frères David et Vladimir Bourliouk, Alexandra Exter, Alexi von Jawlenski, Gabrielle Münter, Marianne von Verefkine, Ilya Machkov, Aristarkh Lentoulov et autres.
Au même moment se tient à Moscou la première grande exposition de peinture moderne russe organisée par Larionov : le salon du « Valet de Carreau » ouvre ses portes en décembre. On y voit des peintures de Kandinsky, Natalia Gontcharova, Alexandra Exter, David Bourliouk, mais aussi, et ceci pour la première fois dans un tel contexte, des œuvres de Malewicz et Morgounov qui seront bientôt futuristes. Le groupe des cézanniens russes, qui restera par la suite le noyau « traditionaliste » du « Valet de Carreau », comprend Ilya Machkov, Aristarkh Lentoulov, Alexandre Kouprine, Piotr Kontchalovski…
Au début de l’été 1910, Larionov est invité par David Bourliouk à Tchernianka (Ukraine) en même temps que le poète Vélimir Khlebnikov où, par le tissu des amitiés personnelles, il participe à la formation de la première cellule créatrice du futurisme russe. Ce groupe naît des relations amicales et artistiques qui se sont tissées entre certains élèves de l’École d’art de Moscou (Stroganov) : le poète « transrationnel » Alexeï Kroutchenykh, Vladimir Maïakovski, y sont étudiants respectivement en classes de dessins et de peinture ; le futur théoricien du formalisme russe, l’écrivain Victor Chklovski, fréquente les classes de sculpture. Le 25 septembre, Larionov termine l’École avec le titre de peintre de « deuxième classe ». Il effectue un service militaire étalé sur trois périodes : de dix mois d’abord (hiver 1910 – été 1911) ensuite au printemps 1912 et au printemps 1913 (ces dates sont certaines et permettent à l’historien de déterminer avec précision la datation de certaines séries de toiles de cette époque, bien que Larionov ait déclaré par la suite avoir réalisé certaines d’entre elles deux ans auparavant. Il s’ensuivit une série de confusions historiques qui ont perduré longtemps).
À partir de cette année, Larionov participe régulièrement au Salon de l’« Union de la Jeunesse » de Saint-Pétersbourg.
1911
Affirmation publique du cubisme à Paris au Salon des Indépendants (printemps) et puis au Salon d’Automne. La problématique du cubisme est d’actualité en Russie à la fin de l’année, essentiellement par l’intermédiaire des frères David et Nicolas Bourliouk qui s’en feront les principaux interprètes et théoriciens sur place. La presse russe suit attentivement l’actualité parisienne, ainsi les artistes russes sont informés quasi simultanément de toutes les nouveautés occidentales. Mikhail Larionov, David Bourliouk et Vladimir Markov entretiennent des relations épistolaires avec Kandinsky qui, à l’époque, avait déjà achevé la rédaction de son traité esthétique « Du spirituel dans l’art » (publié à Noël 1911, mais déjà avec la date de 1912) et préparait avec Franz Marc l’almanach du Cavalier Bleu (Der Blaue Reiter). Une version abrégée de « Du spirituel dans l’art » est donnée en lecture publique par Nikolaï Koubline lors du Premier Congrès Pan-russe des Peintres qui se tient à Saint-Pétersbourg en décembre.
Au cours de cette année, Larionov se démarque progressivement des positions esthétiques du groupe « Valet de Carreau » qu’il accuse de rester inféodé à la peinture française. L’esthétique de Larionov s’oriente vers la mise en valeur de la culture populaire russe (le primitivisme), les cultures extra-européennes (art chinois, nègre, etc.) et ce qu’il considère comme courants a-culturels (imagerie populaire – « loubki », art des enfants, images publicitaires, etc.).
La dissidence de Larionov entraîne dans son sillage Natalia Gontcharova, Kazimir Malewicz, Alexeï Morgounov, Vladimir Tatlin, Alexandre Chevtchenko et Georges Le Dantu. En 1913, les deux derniers formeront, avec Larionov et Gontcharova, la cellule de base de la future mouvance rayonniste.
À l’automne, il fonde le groupe « La Queue de l’Âne », dénomination qui s’inspire par dérision du fameux canular monté en 1910 par un groupe de peintres de Montmartre au Salon des Indépendants : il s’agit d’une mystification destinée au journal « Fantasio » qui présenta un faux manifeste « excessiviste » d’un prétendu créateur d’avant-garde dont le nom Boronali avait été forgé à partir du nom de l’âne Aliboron qui appartenait au propriétaire du cabaret montmartrois « Le Lapin agile », établissement que fréquentait la bohème montmartroise (y compris Picasso et ses amis). Réalisée par la queue de l’âne Aliboron, la toile exposée s’intitulait « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » et était destinée à tourner en dérision la mode tardo-impressionniste.
L’écrivain et critique d’art Sergej Pavlovitch Bobrov sera l’un des premiers à se réclamer de l’association « La Queue de l’Âne ». Le 31 décembre, il présente en public un exposé intitulé « Les bases de la nouvelle peinture russe » où il met en avant certains postulats qu’il désigne comme la base théorique des créations de Larionov et Gontcharova (les bases intuitives de la création, le plan pictural, l’ensemble se trouvant qualifié de « purisme russe »).
L’ancienne dépendance vis-à-vis de l’art français se trouve à ce moment ouvertement rejetée. Quelques mois plus tard, Gontcharova déclarera publiquement, qu’une telle dépendance est hors de question. Elle postule un « retour aux sources nationales ».
À la fin de l’année, Larionov se livre à un bilan et à une réflexion personnelle qui se concrétisent par une exposition d’un jour (le 8/21 décembre) à la Société de Libre Esthétique de Moscou (autre dénomination : Cercle artistique et littéraire). L’exposition se déroule dans l’hôtel particulier de Madame Vostriakova et est accompagnée d’une soirée-débat, consacrée à l’œuvre de Larionov. Cet événement lui conférera, à Moscou, le rôle de leader de l’avant-garde picturale.
1912
Janvier
Deuxième exposition de l’association « Valet de carreau » à laquelle participent les frères Bourliouk, Alexandra Exter, Vassily Kandinsky, Piotr Kontchalovski, Alexandre Kouprine, Nicolai Koulbine, Aristarkh Lentoulov, Ilya Machkov, mais Larionov et ses amis n’en font plus partie.
La participation occidentale à ce salon moscovite en fait à ce moment la plus grande exposition d’art moderne en Russie. La création française est illustrée par Derain, Van Dongen, Matisse, Picasso, Gleizes, Le Fauconnier, Léger (dont l’importante composition « Essai pour trois portraits » fut présentée au Salon d’Automne de 1911), l’expressionnisme allemand brille grâce aux œuvres de Ernst Ludwig Kirchner, August Macke, Franz Marc, Max Pechstein, Gabrielle Münter.
Février
L’association « Valet de Carreau » organise un débat public consacré à la nouvelle peinture. David Bourliouk présente la première interprétation russe du cubisme. Larionov et Gontcharova interviennent pour se démarquer nettement du « Valet de Carreau ». Ils affirment avec panache que leur création évolue en toute indépendance du cubisme parisien (ce qui reste vrai pour Larionov mais non en ce qui concerne Gontcharova). À la galerie Hans Goltz de Munich, une œuvre de Larionov figure à la deuxième exposition du « Blaue Reiter ».
Mars
Du 24 mars au 21 avril, le groupe larionovien « La Queue de l’Âne » présente à Moscou une exposition de peintures. Larionov y inclut trente-neuf œuvres de type « primitiviste » où domine la thématique militaire (soldats, caserne). Ses œuvres rayonnistes ne figurent toujours pas au catalogue. Les autres participants sont Georges Le Dantu, Malewicz, Woldemar Matveis (Vladimir Markov), Alexeï Morgounov, Alexandre Chevtchenko, Vladimir Tatlin, Marc Chagall. Les œuvres de Gontcharova déclenchent un scandale qui entraîne la fermeture momentanée de l’exposition, la censure considérant inconvenant que des œuvres aux sujets religieux soient montrées à une exposition portant le titre « La Queue de l’Âne ».
Fidèle à sa conception d’une avant-garde en perpétuelle mutation, à l’issue de l’exposition Larionov dissout le groupe « La Queue de l’Âne » et, dans une interview, annonce que cette décision a pour but de parer à toute institutionnalisation de l’avant-garde.
Chacune des expositions organisées ultérieurement par Larionov portera un autre titre.
Le Rayonnisme, illustrations de Mikhaïl Larionov
L’année est également marquée par sa collaboration avec le poète Kroutchenykh avec lequel il réalise plusieurs plaquettes lithographiées : « Pommade » (publiée en février 1913), Poluzhivoj (À demi-vivant, également février 1913), Starinnaja ljubov (Amour d’antan, octobre 1912) (la dernière plaquette contient les premières lithographies rayonnistes). Avec Vladimir Tatlin, Natalia Gontcharova et Nikolai Rogovine, il illustre le livre de Kroutchenykh et Khlebnikov, Mirskon’ca (Le-Monde-à-l’envers, décembre) dont la couverture comporte le premier collage dans l’art du livre en Russie. Le collage réalisé par Gontcharova est différent pour chaque exemplaire.
Décembre
Deux œuvres rayonnistes, « Verre (procédé rayonniste) » et « Étude rayonniste » sont présentées à Moscou dans le cadre du salon annuel du « Monde de l’art », exposition plutôt « passéiste » qui sera montrée en janvier 1913 à Saint-Pétersbourg et en février à Kiev.
1913
Mars-avril
Exposition annuelle du groupe de Larionov intitulé : « La Cible » : y participent entre autres Chagall, Le Dantu, Malewicz (œuvres cubo-futuristes), Chevtchenko, Cyril Zdanévitch. Larionov expose des œuvres primitivistes parmi lesquelles se trouve la série des « Saisons » ainsi que quelques œuvres rayonnistes. Gontcharova présente plus d’œuvres rayonnistes que Larionov. L’exposition inclut pour la première fois des œuvres de Niko Pirosmanishvili, primitif géorgien que Larionov met en scène tel un « Douanier Rousseau » russe.
Parallèlement à cette exposition, Larionov organise à Moscou une exposition d’icônes et d’images populaires où, en plus d’œuvres russes, sont exposées, des miniatures persanes, des images populaires chinoises, des gravures japonaises, des images d’Épinal françaises et autres. La plupart provient de la collection personnelle de Larionov qui rédige aussi l’introduction au catalogue.
Au mois d’avril 1913, il publie sous la forme d’une plaquette le manifeste « Rayonnisme » qu’il prétend avoir rédigé au cours de l’été 1912. Cette pratique de rétrodatation fait partie des manipulations « avant-gardistes » que Larionov pratique tout au long de sa vie.
L’année suivante des extraits de ce texte seront publiés en français par la revue parisienne Montjoie ! coïncidant ainsi avec l’exposition personnelle de l’artiste à la galerie Paul Guillaume (en juin 1914).
La première monographie consacrée à l’œuvre de Larionov (et à celle de Gontcharova) est publiée à Moscou dans une édition limitée à 525 exemplaires. L’ouvrage, rédigé par le futuriste Ilya Zdanévitch (Iliazd) est richement illustré par des lithographies originales ; il comporte en outre de nombreuses illustrations de tableaux, ainsi qu’un catalogue sommaire de l’œuvre du peintre. Certaines datations déjà approximatives entraîneront à partir de ce moment des erreurs qui perdureront jusqu’à la mort de l’artiste.
Juillet
Parution de l’anthologie : « La Queue de l’Âne et la Cible » contenant une nouvelle version du manifeste « Rayonnisme ». Y figurent aussi de nombreuses illustrations de peintures rayonnistes dont certaines sont dues aux élèves de Larionov (Sergei Romanovitch, Yasinski, Viatcheslav Levkievski, et autres). Larionov publie des textes sous les pseudonymes de Parkine et Khoudiakov.
L’anthologie débute par un nouveau manifeste des « Rayonnistes et Aveniriens ». Ce texte avait apparemment le but de constituer une sorte de contrepoids au manifeste futuriste « Une gifle au goût public », publié à Moscou par le groupe de Bourliouk à la fin de l’année 1912. À partir de ce moment Larionov engage une lutte ouverte avec les autres groupes futuristes. Il tend à s’affirmer comme le seul – vrai – futuriste russe. Ainsi, il s’oppose aux initiatives du groupe pétersbourgeois « Union de la jeunesse » et personnellement à Malewicz, ce dont témoigne la correspondance de Malewicz avec le secrétaire de l’association pétersbourgeoise (automne 1913), et le désistement de Larionov des soirées publiques organisées par l’ « Union de la jeunesse » à Saint-Pétersbourg au printemps 1913. Le « rayonnisme » de Larionov se distancie à partir de ce moment surtout des recherches de Malewicz qui apparaît comme le chef de file de la mouvance cubo-futuriste et transrationnelle.
Septembre
Larionov expose plusieurs œuvres au premier « Salon d’Automne » (Erste deutsher Herbstsalon) organisée par Herwarth Walden, le directeur de la revue Der Sturm et propriétaire de la galerie du même nom. À Berlin, son œuvre attire l’intérêt de certains expressionnistes allemands. Dans une lettre à Kandinsky, Franz Marc émet une opinion mitigée, sinon négative sur l’œuvre du peintre moscovite. Walden s’intéresse néanmoins vivement à l’avant-garde russe et projette plusieurs expositions monographiques dont une serait consacrée à Larionov. Programmée pour la saison 1914-1915, cette exposition ne pourra pas avoir lieu à cause de la déclaration de guerre.
Octobre
Larionov envoie une œuvre de la série des soldats à Londres à la « Second Post Impressionist Exhibition ». Organisée par Roger Fry, celle-ci se tient aux Grafton Galleries.
Devant les projets de spectacles théâtraux de l’« Union de la Jeunesse » (mise en scène de la pièce « Tragédie » de Maïakovski avec les décors de Pavel Filonov et celle de Kroutchenykh « Victoire sur le soleil » avec des décors de Malewicz) Larionov annonce à Moscou des projets théâtraux dont il aurait été le seul auteur. Ces projets ne seront pas réalisés.
Fin de l’année
Il peint la première conséquente série de tableaux rayonnistes.
Décembre
Servant d’intermédiaire aux organisateurs d’expositions, Larionov entre en contact épistolaire avec Sonia et Robert Delaunay et propose à Robert Delaunay de réserver plusieurs salles à ses œuvres dans le cadre de la prochaine exposition annuelle de son groupe rayonniste. Larionov envisage à ce moment d’organiser une fois de plus un grand salon où seront présentées les nouvelles tendances occidentales et russes. Il se lance dans des projets d’exposition de Picasso, d’art nègre et d’autres.
Noël
Avec son ami et biographe, le poète transrationnel Ilia Zdanevitch, il publie dans le journal « Argus » le manifeste futuriste « Pourquoi nous nous peignons ».
Tels des « tableaux vivants » Larionov et ses amis sortent dans la rue le visage couvert de peinture futuriste (rayonniste).
1914
Janvier
Le « chef du mouvement futuriste italien », Filippo Tomaso Marinetti effectue une série de conférences à Saint-Pétersbourg et à Moscou. Certains futuristes russes se sentent menacés par l’impérialisme marinettien et projettent des actions contre cette « colonisation culturelle ». Larionov est parmi eux. Le 29 janvier, il publie une violente interview dans le journal Nov’. Une polémique s’engage entre Larionov et Malewicz, ce dernier s’élevant pour la défense de l’invité italien. En définitive il ne s’agit que de joutes oratoires, car Larionov entretiendra par la suite des relations amicales (correspondance, visites à Rome) avec le chef du futurisme italien.
Février
Voulant exposer au Salon des Indépendants de Paris, il demande à Sonia et Robert Delaunay de l’inscrire à cette association.
Avril
Du 6 au 20 du mois a lieu à Moscou l’exposition annuelle du groupe de Larionov. Cette exposition s’intitule « Michen » (La Cible), titre issu de l’intérêt que Larionov porte à ce moment à l’art de Robert Delaunay. Larionov présente à « La Cible » un large éventail de peintures des années 1911 et 1912 avec une prédominance d’œuvres de type « primitif ». À l’exposition participent également Malewicz, Chagall, Gontcharova, Le Dantu, Kiril Zdanevitch (frère du poète), Ivan Larionov (frère du peintre), les « rayonnistes » Viatcheslav Levkievski, Sergei Romanovitch, Victor Bart, Alexandre Chevtchenko et autres. On présente également des œuvres du primitif géorgien Niko Pirosmanishvili, des dessins d’enfants, des œuvres primitives d’« auteurs inconnus » ainsi que des « panneaux publicitaires » que le peintre considère comme œuvres de type « a-culturel », donc « primitifs ». Il produira lui-même des œuvres dans le style des « annonces des journaux » (1913).
N’ayant pas pu exposer au Salon des Indépendants, Larionov projette avec Gontcharova une exposition personnelle à Paris. Cette exposition est réalisée par l’intermédiaire d’Alexandra Exter et ses amis russes, gravitant autour de la revue Les Soirées de Paris d’Apollinaire. L’exposition qui a lieu au mois de juin à la galerie Paul Guillaume sera l’exposition inaugurale de cette galerie. La préface du catalogue est due à Guillaume Apollinaire avec lequel Larionov aura à partir de ce moment des contacts suivis. Le vernissage de l’exposition est relaté par le poète parisien comme un important évènement artistique. Larionov et Gontcharova effectuent à cette occasion un voyage en France et comptent le prolonger jusqu’à la fin de l’automne.
Août
L’éclatement de la Première Guerre Mondiale oblige Larionov à rentrer précipitamment en Russie. Les tableaux présentés à Paris sont entretemps envoyés à Berlin où Herwarth Walden envisage d’organiser à l’automne une exposition personnelle de Larionov, projet qui ne peut pas avoir lieu à cause de la guerre. Bien des années plus tard Larionov récupèrera seulement une partie de l’ensemble, exposé à Paris.
De retour à Moscou, Larionov, officier de réserve, est mobilisé et part pour le front.
Le 30 août il sera gravement contusionné sur le front allemand. Ceci entraine un long séjour dans les hôpitaux militaires. Le peintre est réformé à la fin de l’année. La presse moscovite publie à la fin du mois de janvier 1915 les photos des « héros futuristes » ayant pris part au combat.
1915
Avril
Larionov participe à Moscou à la dernière des expositions modernistes de type futuriste. Elle est intitulée « L’Année 1915 ». Cette grande foire hétéroclite est à prédominance picturale. Y participeront Nathan Altman, David Bourliouk, Marc Chagall (24 œuvres, c’est sa plus grande exposition russe avant la fin de la guerre), Robert Falk, Gontcharova, Alexeï Grichtchenko, Kandinsky, Piotr Kontchalovski, Alexandre Kouprine, Aristarkh Lentoulov, Machkov, Malewicz, Tatlin, Martirios Sar’jan, Georgi Yakoulov et bien d’autres.
Répondant à une invitation de Serge Diaghilev, le 23 juin Larionov et Gontcharova quittent Moscou pour se rendre en Suisse où le peintre espère accomplir sa convalescence des blessures du front, tandis que Gontcharova travaille sur les décors et costumes des mises en scène avant-gardistes, initiées par le grand impresario russe. Ce départ improvisé de façon aussi brusque qu’inattendue va se révéler définitif : les deux peintres ne reviendront plus jamais en Russie.
1916 – 1917
Larionov travaille pour les spectacles de Serge Diaghilev. Ensemble avec Gontcharova il expose des œuvres rayonnistes à Rome. Une traduction de son manifeste de 1912 est publiée en italien sous le titre Radiantismo. Pendant de longues années ce sera un des rares textes à informer le public occidental sur le rayonnisme, première peinture abstraite issue directement de l’expérience impressionniste à laquelle Larionov restera attaché tout au long de sa vie.
1918
Installé à Paris à partir du mois de novembre 1917, Larionov essaie de reprendre ses activités avant-gardistes, y compris dans le domaine des publications. Intitulée « L’art décoratif théâtral moderne », une exposition avec Gontcharova a lieu à Paris du 16 avril au 7 mai à la Galerie Sauvage. Larionov y présente 112 œuvres. Un album, richement illustré, est préparé avec les œuvres théâtrales exposées à cette occasion. Il sera publié en 1919 par les éditions « La cible » que Larionov espère faire revivre à Paris. L’auteur du texte est l’ami moscovite du groupe larionovien, le poète Valentin Parnakh, séjournant à l’époque également à Paris.
1919
Au mois de mai Larionov s’installe dans l’appartement de la rue Jacques Callot (au dessus du célèbre café « La Palette ») où il passera le reste de sa vie avec Gontcharova. Exposition avec Gontcharova à la Galerie Barbazanges, Paris, sous le même titre que l’année précédente.
1920-1922
Travail pour les spectacles de Serge Diaghilev : « Chout » (Le Bouffon) avec musique de Prokofiev (première le 17 mai 1921 à Paris) et « Le Renard » (première le 18 mai 1922) avec musique de Stravinski (Opéra de Paris).
1922–1923
Ensemble avec son ami, le poète transrationnel Ilia Zdanevitch, installé comme lui à Paris à partir de la fin novembre 1921, Larionov participe à l’organisation de nombreuses soirées de type dadaïste, pour lesquelles il dessine les programmes et les affiches. Continue de travailler pour différents théâtres parisiens. À l’époque Larionov participe activement au renouveau de la vie artistique parisienne. Ses activités sont même assimilées à un certain moment à la mouvance dadaïste. Par la suite, il restera néanmoins de plus en plus confiné aux cercles de l’émigration russe, qui dans son ensemble reste profondément traditionnaliste (À la fin des années vingt, il exposera à Paris avec le groupe « Le monde de l’art »).
1927
Au terme de grands efforts, Larionov reçoit de Moscou une petite partie des tableaux laissés dans son atelier en 1915. Il offre à l’occasion plusieurs œuvres aux collections publiques russes. Ses archives et les œuvres sur papier ne font pas partie de cet envoi. À l’exception d’une étude publiée cette même année par l’historien d’art Nicolaï Pounine, l’œuvre de Larionov commence déjà à souffrir d’un certain oubli. Peu après elle sera rejetée par la censure idéologique dans l’ombre de la « production bourgeoise », condamnation qui sera par la suite aggravée par la position d’émigré (blanc) que l’artiste occupe dorénavant.
1929
Mort de son ami Serge Diaghilev à Venise. Cette disparition marque la fin d’une période importante dans la vie du peintre. En 1930, Larionov organisera à Paris une « Rétrospective Diaghilev » en hommage à son ami disparu.
1936
Participe à la très importante exposition Cubism and Abstract Art organisée par Alfred Barr au Museum of Modern Art de New York. Alfred Barr se livre à une des premières analyses du rayonnisme. À partir de ce moment, la place de Larionov dans l’histoire de l’art moderne semble assurée.
Souffrant des suites de la blessure de 1914, la santé de Larionov décline de façon inquiétante. Ainsi, malgré les traitements continus et parfois épuisants, jusqu’à la fin de sa vie, Larionov sera obligé de ménager ses forces.
1948
Décembre
L’exposition « Le Rayonnisme », organisée par Michel Seuphor à la Galerie des Deux-Iles, Paris a pour but de rétablir sa place à Paris.
1949
Ayant surmonté l’opposition de Sonia Delaunay, Michel Seuphor inclut l’œuvre rayonniste de Larionov dans son large panorama « L’art abstrait : ses origines, ses premiers maîtres » qui se tient à la Galerie Maeght, Paris. Cette exposition et la publication de Seuphor marquent une nouvelle étape dans la réévaluation historique de l’art moderne. À partir de ce moment, l’artiste s’efforcera de reconquérir la place de choix dans l’histoire de l’art moderne qu’il estimait à juste titre lui revenir.
1950
Début d’une longue maladie qui se déclenche lors de son séjour londonien.
1961
Camilla Gray organise à l’Art Council Gallery de Leeds et ensuite à Londres la première grande rétrospective moderne de l’ensemble de l’œuvre de Larionov et de celui de Gontcharova. Deux ans plus tard, cette première rétrospective viendra aussi au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. L’exposition de Londres précède d’un an la publication de son livre The Great Experiment : Russian Art 1863-1922 où l’œuvre de Larionov est finalement présentée dans le contexte de l’avant-garde russe.
La même année une rétrospective Larionov – Gontcharova est présentée à la galerie Beyeler de Bâle et à la galerie Schwarz de Milan.
1962
Nathalie Gontcharova meurt le 17 novembre.
1963
Le 28 mai 1963 Mikhaïl Larionov épouse Alexandra Tomiline, amie et modèle des années vingt.
1964
Le 10 mai le peintre meurt à Fontenay aux Roses (Paris). Il sera enterré au cimetière d’Ivry où repose aussi Gontcharova.
1967
La première rétrospective posthume de Larionov se tient au Musée des Beaux-Arts de Lyon.
1980-2000
Une première tentative d’exposer l’œuvre de Larionov en URSS est programmée au Musée Russe de Leningrad. Elle se tient par la suite à la Galerie Trétiakov de Moscou. Au dernier moment la publication du catalogue. est interdite par la censure idéologique.
Alexandra Tomiline-Larionov (née le 24 octobre 1900) meurt le 14 septembre 1987 dans une clinique de Lausanne (Suisse). Par testament déposé en 1973, elle lègue l’ensemble des œuvres de Larionov et Gontcharova qui restent dans l’atelier parisien au « gouvernement soviétique. » Une bonne partie de ce leg sera néanmoins détournée.
La première rétrospective russe de Larionov et Gontcharova aura lieu à la Galerie Trétiakov de Moscou seulement à la fin de l’année 1999, presque quatre décennies après la disparition de Gontcharova et trente-cinq ans après celle de Larionov.