La contestation en 1988 des pigments des pastels de Larionov m’a conduit à effectuer pendant de longues années des recherches approfondies à ce sujet aussi bien en Europe occidentale qu’en Russie. Au milieu des années quatre-vingt-dix est apparue une étude du Laboratoire des musées de France où des renseignements concernant les pigments de Larionov semblaient se profiler. Il manquait toujours des références précises quant aux pigments que l’artiste aurait utilisés en Russie – donc avant 1915.
Le hasard a bien voulu m’aider ainsi en travaillant sur Kandinsky, travail qui devait aboutir bien plus tard à mon livré consacré à L’Énigme du premier tableau abstrait (IRSA, 2015), j’ai eu la bonne surprise de découvrir dans les archives de Kandinsky, conservées au Lenbachhaus de Munich un courrier de Larionov. Dans une lettre adressée à Kandinsky le peintre moscovite donnait des indications quant aux pigments russes dont il préconisait l’utilisation. Cette lettre n’est pas datée mais son contenu permet de la situer au printemps de l’année 1912.
J’ai prénommé cette lettre « la princesse dormante » car à cause de sa rédaction en langue russe, pendant un siècle elle avait échappée à l’attention des – rares – chercheurs qui se sont aventurées dans ces archives (surtout en raison de l’œuvre de Kandinsky).
L’intérêt de ce document est de fournir le nom du producteur russe Dosekin dont Larionov faisait l’éloge et qu’il recommandait en conséquence à son correspondant munichois. Ce détail à première vue marginal, mais au fait capital, permet de connaitre les matériaux utilisés par Larionov. Je publie ce document sans autre commentaire.
J’ajouterais qu’à ce jour l’on connaît peu d’études comparatives des pigments russes et occidentaux. Et au-delà des fausses « analyses chimiques » produites de façon délibérée lors de la contestation de l’authenticité des pastels, on oublie tout simplement qu’à la charnière du XIXème et du XXème siècle la Russie était en plein essor industriel et scientifique et que de grands savants tel Alfred Nobel y ont séjourné et travaillé de même que ce fut déjà avant la fin du XIXème siècle que Dmitri Mendeleïev publiait en 1869 son fameux « tableau périodique des éléments », classification d’une indéniable originalité et qui à ce jour n’a pas été dépassée.